C'est avec un regard critique, l'esprit encore troublé par l'adaptation totalement ratée de Mission Impossible, que nous sommes allés voir Wild Wild West. Et nos craintes se sont malheureusement révélées justifiées. Les Mystères de l'Ouest de notre enfance se passaient dans une Amérique imaginaire et idéalisée, ne tenant aucun compte des contextes sociologiques et historiques du siècle dernier. Le seul but de la série était le divertissement, 45 minutes de pur délire où les anachronismes étaient de bon ton et la parodie, une forme d'humour supérieure. En cela déjà, Wild Wild West - le film - rate complètement sa cible.
En effet, alors que dans la série l'esclavage et la guerre de sécession n'étaient pas abordés, ou de façon lointaine et presque anecdotique, dans le film ce sont la base même de la mince intrigue qui nous est présentée. Sujets graves certes, mais qui ne font que ramener entre des limites fortement évocatrices - que d'autres abordent avec plus d'à propos - et dont les chaînes n'ont jamais entravé la série fantasque et détonante. Le film n'a de cesse de ramener le propos à ces repères qui nous éloignent à la vitesse d'une balle de revolver, loin de la locomotive de tête des origines.
Wild Wild West est totalement passé à côté du caractère des personnages, et de leurs relations.
En effet, Les Mystères de l'Ouest avaient au fil des épisodes réussi à créer une alchimie parfaite entre le tempérament fougueux de James West et la tempérance scientifique de Artemus Gordon. Les deux personnages étaient en parfaite osmose. Combien de fois, les maquillages savants de Gordon ont-ils permis à West de se tirer d'une situation où sa fougue naturelle l'avait entraîné ? Et combien de fois les techniques de combats de James sont-elles venues au secours de Artie lorsque sa science lui faisait défaut ? Complicité absolue et amitié solide que rien ne pouvait troubler et surtout pas les présences féminines pourtant nombreuses au cours des 4 ans que dura la série.
Point de tout cela dans le film ! Au contraire.
On nous présentent deux chiens fous en perpétuelle confrontation et que le premier jupon venu attise. Vous pourriez nous répondre que cette évolution des personnages est en phase avec notre époque et que ce qui était valable dans les 60's ne l'est plus à la fin des années 90. A cela je répondrais que le créateur de la série voulait en écrivant ces personnages faire passer le message qu'il avait en lui. Il voulait montrer la beauté de l'amitié masculine. Il y avait donc un contrat de réalité liant les personnages à leur histoire, contrat qui a totalement été rompu par le pool de scénaristes du film.
Et que dire du personnage de Miguelito Loveless (mystérieusement rebaptisé Arliss Loveless dans le film) qui était magistralement interprété par Michael Dunn et que Kenneth Branagh trahit sans vergogne en jouant de façon excessive presque hystérique ? Là où M.Dunn donnait par son simple jeu d'acteur une réalité palpable à la méchanceté de Loveless et sans lui donner d'alibi vaseux, M.Branagh nous campe un personnage obsédé et mégalo qui agit sur un alibi inconsistant et plus qu'improbable. Michael Dunn était un acteur au talent immense qui avait sublimé sa petite taille par une palette d'interprétation impressionnante (qui nous a malheureusement quitté trop tôt) et qui est insulté par M.Kenneth Branagh avec son jeu paranoïde.
Seuls quelques passages sauvent le film de l'abomination totale et nous ont encouragés à rester assis dans notre fauteuil de cinéma jusqu'au générique final. Quel plaisir en effet d'entendre même fugitivement le thème de la série. Quel plaisir de voir encore une fois une lame sortir de la chaussure droite de Jim. Et surtout que dire de ce train aux mille gadgets cachés de façon originale. Train qui est le seul à être vraiment en phase avec l'esprit de la série, troisième personnage récurrent et indispensable de l'intrigue.
Nous percevons tout de même à travers cette brume que nous ne qualifierons pas de créative, un réel travail de recherche. Mais le résultat ne vaut guère mieux qu'une guitare électrique que l'on aurait fabriquée avec des cordes de Stradivarius, du bois de noyer multicentenaire, et une pile de montre à quartz pour l'alimenter en énergie. Quelques notes rassurantes - comme nous l'évoquions plus haut - ont eu le temps de sortir tout de même de cet instrument dont le mystère réside dans l'abandon à la facilité. Un abandon auquel s'adonne hélas trop de gens et qui nous laisse seuls sur le bord de la route de la nostalgie. Salvatrice.