par yabaar » Mercredi 04 Octobre 2006, 10h20
Prix Nobel de Physique 2006 pour les artisans de l'après-Big Bang.
John Mather, 60 ans, travaille au centre spatial Goddard de la NASA. Il obtient un doctorat de physique de l'Université de Berkeley en 1974, avant d'être engagé par le centre spatial Goddard de la NASA.
George Smoot, 61 ans, travaille à l'Université Berkeley avec le lauréat du Nobel de physique 1968, Luis W. Alvarez. Il est fasciné par les étoiles et les galaxies lointaines depuis son enfance où il lisait des romans de science-fiction. Il a étudié les mathématiques et la physique à l'Institut Technologique du Massachusetts (MIT) d'où il a été diplômé en 1970.
Les 2 américains se voient attribuer le prix Nobel de physique 2006 pour leurs travaux réalisés avec le satellite COBE de la NASA (COsmic Background Explorer). Le satellite fut lancé en 1989 pour procéder à l'étude du rayonnement électromagnétique diffus cosmologique afin d'approfondir la théorie du Big Bang et de tenter expliquer l'origine de l'Univers. Les deux physiciens ont, non seulement, confirmé la solidité de la théorie du Big Bang, mais aussi propulsé la cosmologie (ou astrophysique) sur une ère nouvelle et plus complexe avec leur découverte de la plus ancienne carte de l'univers. Une carte qui n'est pas parfaitement uniforme, mais qui comporte de minuscules variations de température. Bien que très délicates à observer, ces fluctuations permettent aux cosmologistes de choisir entre les différents modèles de big-bang, d'étudier le processus de formation des îlots de matière, les galaxies, et de travailler sur la période qui précède l'émission initiale du rayonnement. Ainsi la cosmologie est devenue une science capable de faire des prédictions, vérifiables ensuite par l'observation, imposant un modèle de Big Bang qui nécessite une physique très exotique, avec matière noire et énergie noire (ou sombre), bien loin de ce que l'on peut observer en laboratoire.
Pour résumer, grâce à COBE, Mather et Smoot ont réalisé la première observation précise du fond diffus cosmologique, un rayonnement laissé par les premières ondes lumineuses apparues juste après le début de l'univers tel qu'il se présente à nos instruments de mesure modernes.
Prévues par les premiers théoriciens qui se sont penchés sur l'histoire de l'Univers telle que la théorie de la relativité générale d'Einstein permettait de la penser, ces ondes radios qui baignent l'ensemble de l'univers ont été découvertes, par hasard en 1964, par deux Américains des laboratoires Bell dans le New Jersey. Ainsi, en testant une toute nouvelle antenne radio de télécommunication, Arno Penzias et Robert Wilson (prix Nobel 1978) enregistrèrent un bruit parasite étrange, un signal radio en micro-ondes, qui ne semblait provenir d'aucune source humaine ni d'aucun corps astronomique connu, mais étant uniforme quelle que soit la zone du ciel vers laquelle était pointée l'antenne. En faisant le lien avec des travaux théoriques contemporains prédisant l'existence d'un rayonnement laissé par les restes de l'expansion rapide de l'univers après le moment initial, soit le Big Bang, Penzias et Wilson conclurent qu'il s'agissait d'un rayonnement fossile. Les deux physiciens déterminèrent que la température du corps qui émet ce rayonnement a une température d'environ 3 Kelvin, soit 270 degrés Celsius en dessous de zéro (remarque : 0 Kelvin = -273 degrés Celsius).
Le rayonnement cosmologique ou "fossile" constitue l'un des piliers de la théorie du Big Bang, survenu il y a plus de 13 milliards d'années. Il s'agit en fait des premiers rayons lumineux qui ont existé, apparus environ 380000 ans après le Big Bang, dans tout l'Univers, au moment où ce dernier était encore extrêmement chaud et dense mais était passé sous la température moyenne de 3000 degrés Kelvin (2747 °C). Les électrons ont alors cessé de s'agiter dans tous les sens. Ils formaient une soupe opaque interdisant à la lumière de se propager librement. En se mettant sagement en orbite autour des noyaux d'atomes d'hydrogène et d'hélium, ils ont subitement rendu l'Univers transparent, permettant à la lumière de se faufiler. Ce qui s'est traduit par une émission ubiquiste dont les photons, depuis, se sont refroidis avec l'expansion de l'Univers. Après 13,7 milliards d'années, l'univers s'est incroyablement agrandi, et refroidi, au point de baigner dans une température proche du zéro absolu, à 2,7 Kelvin précisément. Autour de la Terre, ces photons sont aujourd'hui des micro-ondes.
Suite aux observations de Penzias et Wilson, les astronomes se heurtèrent à une difficulté qui leur compliquait le travail : l'atmosphère terrestre est presque totalement opaque aux micro-ondes. De la même manière qu'un four à micro-ondes excite les molécules d'eau dans les aliments pour les réchauffer, les ondes du rayonnement fossile perdent énormément de leur énergie en agitant l'eau présente dans l'atmosphère. Pour se libérer de ce bouclier naturel, une seule solution : mettre un télescope hors de l'atmosphère, sur un satellite en orbite. Ce fut le projet que mena John Mather, responsable de l'ensemble du programme COBE au centre spatial Goddard de la NASA dans le Maryland. George Smoot, aujourd'hui à l'Université de Berkeley en Californie, était responsable de l'un des instruments scientifiques du satellite.
Après quelques minutes d'observation avec le satellite, les astronomes de l'équipe obtinrent un premier résultat fondamental : le rayonnement fossile avait bien la signature spectrale d'un corps noir. Cette courbe de lumière, à la forme très caractéristique, impliquait que la lumière avait été émise dans un équilibre thermodynamique parfait, ou état KMS, que seul le Big Bang est susceptible de produire. COBE confirmait ainsi la validité du modèle du Big Bang, celui d'un univers en expansion continue à partir d'une singularité initiale.
En revanche, la deuxième découverte fondamentale, due aux travaux de George Smoot, fut plus longue à obtenir. Au terme de deux années d'analyse sur les données enregistrées par le satellite sur l'ensemble du fond du ciel, Smoot et son équipe publièrent une carte du ciel marquée de taches roses et bleues. Ces couleurs correspondent à d'infimes variations de température, de l'ordre d'un cent millième de degré, du fond diffus cosmologique. Ces variations de température, que les astronomes appellent "anisotropies", correspondent à d'infimes variations de densité de la matière, au moment où le rayonnement fossile fut émis. Elles étaient attendues avec impatience par les astrophysiciens, car elles seules permettent d'expliquer pourquoi l'univers n'est aujourd'hui pas homogène, mais au contraire composé d'îlots de matière (galaxies et amas de galaxies) perdus au milieu d'immenses espaces vides (espaces pas si vide que ça... car remplis d'une certaine énergie - voir 1er message ci-dessus).
En 2003, le satellite WMAP de la NASA confirma les observations de COBE en précisant la forme des fluctuations.
La prochaine étape aura lieu fin 2007 avec Planck, un satellite de l'ESA (Agence Spatiale Européenne) qui scrutera, à nouveau, le fond diffus du cosmos avec une précision accrue, en mesurant la polarisation du rayonnement et ses fluctuations aux petites échelles. De quoi étudier les mouvements de matière et traquer d'éventuelles ondes gravitationnelles qui parcouraient un bébé Univers dont les mystères se dévoilent petit à petit.
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yabaar le Jeudi 05 Octobre 2006, 10h46, édité 4 fois.