Gunnm - Le Manga

"Gunnm", Série manga, créée par Yukito Kishiro (né le 20 mars 1967).
(connu aussi sous le nom de Battle Angel Alita en langue anglaise)

Présentation

Dans cet article, je vais parler de l'édition classique, en 9 tomes qui comprend la première fin écrite par Kishiro en 1995, et qui ne prend donc pas en compte les évènements décrits dans la deuxième série "Gunnm - The Last Order".

Avertissement : Cette bande dessinée de science-fiction est extrêmement violente. Certaines images sont vraiment très "graphiques" afin de montrer l'horreur et la sauvagerie du monde décrit par Kishiro. Ce qui permet d'autant plus, par un contraste saisissant, de montrer la belle âme du personnage principal.

Le superbe dessin de Kishiro nous entraîne donc dans un monde futuriste à l'ambiance morbide, violente et post-apocalyptique, où la frontière entre humains et machines est devenue bien mince.

Nous suivons Gally, une cyborg amnésique à la recherche de son passé et d'un sens à donner à sa vie. Le début de l'histoire n'est que pure violence, puis la série s'ouvre peu à peu aux sentiments, à une quête spirituelle. Trouvée dans la Décharge, un océan d'ordures déversées par Zalem, la ville suspendue, par un cybernéticien chasseur de primes à ses heures, luttant pour sa survie, Gally va utiliser sa nature de guerrière accomplie, grâce au "Panzer Kunst", une redoutable technique de combat qu'elle acquit sur Mars, dans une autre vie, un passé qui lui est dorénavant inaccessible.

Gally va se poser toutes les questions, que nous nous posons nous même, en évoluant sur plusieurs années, au sein d'une population mi-humaine, mi-robot. Sous ces assemblages d'organes et de nano-machines, entre cyborgs et androïdes, entre cerveaux organiques et artificiels, qui est le plus vivant ? Qu'est-ce que la Vie ? Qu'est-ce qui fait de nous des Humains ?

La fin poétique et spirituelle dans le 9ème et dernier tome est la digne conclusion d'une histoire pleine de fureur qui aura évolué vers le pardon, la rédemption et l'amour. L'humanité redonnée à Gally est sa récompense pour tous les combats donnés, pour toutes les épreuves traversées et pour toutes les souffrances endurées. Ainsi, la poésie de Jéru transformée en fleur est le reflet de l'esprit et du cœur de Gally. Et enfin, elle sort de son cocon... humaine. Elle va pouvoir vivre, aimer, cesser d'être une guerrière. Elle redevient une femme capable de donner la vie, comme la fleur qu'elle a créé dans l'espace, par la grâce de sa beauté intérieure.

Elle est arrivée au bout de sa quête.

Les livres

Tomes 1 et 2

Gally, dont ne reste qu'une tête parfaitement conservée de cyborg, au cerveau à peine vivant, est trouvée dans Kuzutetsu, la Décharge, territoire de tous les déchets - humains ou non - de Zalem, l'utopie flottant au dessus des nuages, par Daisuke Ido, un bio-mécanicien, qui lui construit un nouveau corps. Gally se découvre des talents innés pour le combat et devient Warrior Hunter, une des meilleures. Elle affronte Makaku, un meurtrier suceur de cerveaux, personnification de la haine des habitants de la Décharge contre Zalem. Enfant des égouts, il fut "sauvé" par un mystérieux docteur. Gally rencontre Yugo, un jeune homme qui rêve d'aller sur Zalem, quitte à tout perdre. Elle tombe amoureuse même si elle craint de ne pas en être capable, se sentant tellement inhumaine avec son corps de Berserker face au corps fragile de Yugo.

Tomes 3 et 4

Après la mort de Yugo, pris de folie, Gally disparaît. Ido se lance à sa recherche. Son enquête le conduit dans une arène infernale où l'on pratique un sport extrême, une sorte de Rollerball où la vie des concurrents n'a aucune valeur. C'est le Motorball, qui sert de défouloir au peuple de la Décharge. C'est pourtant dans cet enfer qui déchire les chairs et les métaux que Gally se sent vivre. Elle doute d'elle-même ne sachant plus si elle est Gally, ou cette infime trace de la défunte Yoko, la Martienne, qui émerge peu à peu de ses souvenirs. Sa rencontre avec le grand Jashugan sera décisive. Gally trouve en lui un nouveau maître, un ami, un adversaire qu'elle respecte. Jashugan a lui aussi prêté son corps et son cerveau à la science du même savant qui avait sauvé Makaku. A l'article de la mort, il va aider Gally à s'élever par son esprit, à aller au delà de la force brute, à retrouver un peu de son humanité.

Tome 5

Voici le livre pivot de toute la série. Deux ans se sont écoulés depuis la mort de Jashugan. Gally est maintenant chanteuse. En paix avec elle-même, elle passe enfin du temps avec ceux qu'elle aime, loin de la violence. Mais son passé sur les pistes la rattrape. La Décharge est toujours plus cruelle, et Zalem toujours plus inaccessible. Elle rencontre Desty Nova, le savant fou. Devant faire face, seule, à ses responsabilités, elle affronte la mort d'Ido, et la perte de tout ce qui faisait son univers. Acceptant sa propre culpabilité, violant les lois de la Décharge, un combat titanesque la mène vers son anéantissement.

Tome 6

Son corps entièrement détruit, proche de la mort cérébrale, Gally est sauvée par Zalem, et vend son âme pour survivre. Plus forte et plus puissante que jamais, elle devient l'Ange de la Mort, une Tuned, agent spécial de Zalem, seule autorisée à utiliser des armes à feu, libre de tuer qui elle veut, libre de circuler loin de la Décharge. Elle perd à nouveau, peu à peu, son humanité, se jetant corps et âme dans son nouveau rôle de machine tueuse. Elle devient comme Makaku, un être qui ne vit plus que pour connaître le plaisir, le frisson ultime, le Grand Blanc qu'elle n'atteint qu'au coeur des combats. Cynique, elle se détache de tout. Mais elle rencontre Fogia, un homme un peu frustre, qui gagnera son respect. Gally retrouve l'amour qu'elle pensait avoir perdu après la mort de Yugo. Elle ouvre à nouveau son cœur à l'humanité, cachée au plus profond d'elle-même.

Tomes 7, 8 et 9

L'affrontement final approche. A la recherche d'Ido et de Desty Nova, Gally rencontre Den, le chef du Barjack, une organisation de résistance à l'hégémonie de Zalem. Et elle reconnaît que sa cause est juste. Aux côtés du fils de Desty Nova, le faible Kaos qui renferme en lui la personnalité déviante de Den, Gally assiste à la destruction du Barjack par Zalem. Mais la découverte du secret ignoble de Zalem va détruire l'équilibre imposé au fil des siècles, entre les cyborgs, aux corps de machines mais aux cerveaux humains, qui errent dans la Décharge, et les habitants de Zalem, aux corps humains mais aux cerveaux artificiels qui les rendent dociles. Face à la mort, le savant fou joue sa dernière carte et tente d'échanger sa vie contre le secret de Zalem : "Tu possèdes le corps d'une machine animé par un cerveau humain. Moi, j'ai un corps humain animé par le cerveau d'une machine...". Coquille vide à moitié cassée, puis machine à tuer, puis pur esprit, dépassant sa haine et sa peur, Gally s'interroge sur les droits et devoirs de tout être humain, du puissant par rapport au faible. Elle refuse l'eugénisme et la science sans conscience. Confrontée à cette révélation, Gally va vers son dernier combat, vers son fabuleux destin.

Remarque

La fin du 9ème tome ne convenait pas vraiment à Yukito Kishiro qui avait été contraint d'arrêter la série pour des raisons personnelles. Il a donc écrit une nouvelle série de Gunnm qui reprend juste après la destruction de Gally (à peu près vers le milieu du 9ème tome) (page 153 de l'édition française, facile à repérer grâce à un fondu au noir). Mais cette nouvelle série "Gunnm - The Last Order" semble être d'un niveau inférieur à la première...

Gunnm à l’écran

Un OAV, auquel n’a pas participé Kishiro, a été tiré de la première partie du manga. Le dessin animé n’est pas de très bonne qualité et doit donc être oublié.

L’influence de Gunnm est très nette sur la série de SF, créée par James Cameron, qui mettait en scène Jessica Alba dans le rôle titre de "Dark Angel", et où le monde dans lequel vit la mutante n’est pas très différent de celui de la Décharge. Une scène clef de la série est même directement tirée du manga, une magnifique double page que l’on peut trouver au premier tiers du 2ème tome, où l’on voit Gally juchée sur le toit d’un immeuble et qui regarde avec tristesse le paysage dévasté qui s’étend à ses pieds.

Cette influence est directement assumée par James Cameron, puisqu’il prépare, au moment même où j’écris ces lignes, l’adaptation de Gunnm au cinéma. Sujet que je vais suivre avec la plus grande attention...

Manga - Une explication

Terme qui signifie "image dérisoire", inventé par un dessinateur d'estampes du 19ème siècle, Hokusai. Son style caricatural donna naissance à la forme graphique moderne que nous connaissons.

Au Japon, le terme manga désigne l'ensemble des bandes dessinées, y compris étrangères au pays du soleil levant.

Notons que les caractères Kanji, l'écriture japonaise, sont des dessins. Ainsi, le trait brut, tracé avec précision par un pinceau, peut avoir une importante philosophique, voire religieuse. La vitesse, le délié, le mouvement du pinceau a sa propre importance. Il en est de même dans le manga avec ses lignes de vitesse et les personnages qui sortent des cases au découpage brisé.

Reconnaissons que le style graphique surprend au début surtout lorsqu'on ne connaît que l'école franco-belge. La connaissance des comics américains aide un peu. Il faut donc faire quelques efforts pour comprendre le procédé narratif. Les cadrages de fous vous tourneboulent, les dilatations vous enchantent et les compressions dans la narration vous percutent de plein fouet. Les effets de vitesse sont énormes et sont appuyés par des onomatopées gigantesques. La mise en page se brise, et l'on est parfois perdu dans notre lecture - effet voulu par le dessinateur afin d'appuyer les tourments que traversent alors ses personnages.

Quelques notions de base sont à considérer. Miroir de l'âme, les grands yeux sont l'attribut de personnages francs et honnêtes. A l'inverse, de petits yeux aplatis sont le signe d'êtres sournois et fourbes, donc potentiellement dangereux. Les visages se ressemblant souvent, la différenciation des personnages se fait grâce à leurs vêtements et chevelures. Enfin, il ne faut pas être surpris de ne pas voir d'yeux bridés, car les Japonais se voient comme ça.

Parmi les maîtres de la bande dessinée japonaise, parlons d'Osamu Tezuka qui a créé Astro Boy, Metropolis et Le Roi Léo. Considéré comme un génie, au même titre que Walt Disney, il a su utiliser toutes les techniques cinématographiques, comme le ralenti, les cadrages insensés ou la vitesse dans ses dessins. Ainsi, un mouvement pouvait se dilater sur plusieurs pages par la grâce de son trait. Il est aujourd'hui sujet à un véritable culte au Japon depuis sa mort en 1989.

La première grande révélation du manga en occident se fait en 1991 grâce à Akira, de Katsuhiro Otomo, très vite suivi par Dragon Ball Z. Enfin, nous pouvions lire ces étranges bandes dessinées sans passer pour des frapadingues.

Un autre artiste donne vraiment ses lettres de noblesse au manga grâce à ses dessins animés "Porco Rosso, Mon voisin Totoro, Le château dans le ciel, Princesse Mononoké, Le voyage de Chihiro", je parle ici bien entendu de Hayao Miyazaki. Par ces films magnifiques, poétiques, réalistes et violents parfois, voici un artiste qui s'efforce de montrer la Vie sous tous ses aspects.

L'erreur classique trop souvent faite en occident est de considérer les mangas comme uniquement violents. Lorsqu'elle est présente, cette violence est toujours contrebalancée par la richesse psychologique des personnages qui doivent y faire face. Car ils font face. Les mangas traitent de tous les sujets, pas seulement de fantastique et de SF, comme la vie de madame ou monsieur tout le monde, ainsi la vie d'une lycéenne ou celle d'un facteur. Les personnages sont souvent courageux et respectueux des autres, y compris de leurs ennemis.

Concluons que les histoires des mangas ne sont ni simples, ni niaises, mais sont au contraire lisibles à différents niveaux et font preuve d'une subversion étonnante et de digressions philosophiques parfois assez pointues. Bref, avec un peu d'effort, la lecture de certaines de ces œuvres peuvent avoir leur lot de bonnes surprises...

Yabaar, le 12 juillet 2005.