Star Wars Episode one - The phantom menace

ou la Chute d'un Mythe

George Walton Lucas Jr, depuis ses débuts de cinéaste, cherche à donner son vrai visage à l'Humanité. Tiré d'un cours métrage de quinze minutes, réalisé à la University of Southern California de Los Angeles, Lucas réalisa " THX1138 " grâce à Francis Ford Coppola et la Warner. George Lucas considère ce film comme son préféré et le plus personnel, probablement, malgré le faible budget disponible, parce qu'il avait une totale liberté dans ses choix de mise en scène et de montage. Dans ce film, qui n'atteint jamais le grand public effrayé par la noirceur du propos, Lucas démonte les mécanismes d'un système totalitaire qui nie la notion même d'humanité, ce qui n'est pas sans rappeler le roman " 1984 " écrit par Georges Orwell en 1948. Mais le désir de Lucas de raconter ce genre d'histoire fut stoppé net par les problèmes financiers d'America Zoetrope, la société de production de Coppola et il décida de ne pas commettre à nouveau l'erreur de montrer uniquement le coté négatif de l'âme humaine.

Alors que Coppola était contacté par la Paramount pour réaliser Le Parrain, lui permettant de renflouer sa société, George Lucas était à la recherche d'un film " positif ". C'est à cette époque qu'il rencontra Ralph McQuarrie, illustrateur à la NASA. Sous la houlette de Gary Kurtz et Coppola pour Universal, Lucas réalisa " American Graffiti " en vingt-huit jours pour sept cent cinquante mille dollars, dont cinq cent mille dollars rien que pour les droits musicaux. Universal fit un bénéfice de cinquante millions de dollars et le film qui devint l'un des plus rentables de l'histoire du cinéma américain fut nominé cinq fois pour les Oscars1973. Lucas créa Lucasfilm Ltd.

Le tournage d' "Apocalypse Now ", qui devait être réalisé par Lucas, fut finalement dévolu à Coppola lui-même, créant des tensions entre les deux amis pendant de nombreuses années.

Fort du succès d' " American Graffiti ", Lucas sortit enfin de ses cartons son film de Science-Fiction, genre à l'époque dénigré, ou à peine considéré grâce aux films de Georges Pal, de Stanley Kubrik ou ceux produits par la Hammer. Tout le monde connaît la suite.

Mais dans les trois films de la Trilogie (Episode 4 : A New Hope, Episode 5 : The Empire Strikes Back, Episode 6 : The Return of the Jedi), Lucas dut faire des concessions, assez faciles néanmoins grâce aux thèmes développés. Dans ces trois histoires, très proches de la tragédie classique (il est intéressant de faire le parallèle entre " Phèdre " de Jean Racine et la Trilogie), le metteur en scène présente l'affrontement entre le père et le fils qui mène à la défaite du père alors que celui-ci entend préserver son pouvoir, avec la figure du père de substitution, la vengeance, la lutte pour la liberté et la notion que le destin pourrait être combattu afin d'obtenir la rédemption que tout être cherche pour ses fautes passées. La Trilogie est traversée par cette idée constante du Renouveau, puisqu'à la fin l'amitié et l'amour triomphent.

Avant de parler de l'Episode 1, il faut préciser également l'une des idées fortes de Lucas. Même si ses films sont pour tous les publics, il veille particulièrement à atteindre le jeune public. Non pas à des fins mercantiles, mais pour faire oeuvre de pédagogue. Conscient du faible niveau de culture générale de la société américaine (remarque transposable dans tous les pays du monde), pour qui Paris n'est reconnaissable qu'avec sa Tour Eiffel, Lucas décida, grâce à son pouvoir financier, de développer une série de films de télévision qui permettrait de donner des notions d'histoire et de géographie modernes. Il prit comme médium Indiana Jones et, racontant la jeunesse du héros, le fit voyager dans le monde entier entre 1910 et 1930, période de l'Histoire pleine de cataclysmes régissant encore nos vies.

Dans le film " The Phantom Menace ", Lucas atteint probablement sa totale maturité de cinéaste. Quels liens existent entre ce film sombre et pessimiste qu'est " THX1138 ", la pédagogie et ce nouveau film ? L'Episode Un, décrivant la genèse de la première trilogie, traite le thème de la Chute. Ayant vu le film, il faut avouer que sans la présence de Jar Jar Binks, personnage haut en couleur, l'histoire ne serait vue que sous son angle tragique. Le ton du film est très différent de celui de la Trilogie, ce qui déroute un peu. A l'évidence, Lucas met la barre nettement plus haut cette fois-ci. A ce moment de l'exposé, il n'est pas nécessaire de mentionner les nombreux morceaux de bravoure du film qui sont époustouflants et qui atteignent parfois des niveaux de poésie rarement égalés au cinéma. La perfection technique du film est tout simplement prodigieuse. En fait, le plus important, dans ce film, est le contenu politique. Par le sens aigu de Lucas pour l'intrigue, qui lui permet d'aller droit aux scènes clefs, sont démontés les mécanismes de la trahison la plus ignoble, qui se pose sur le lit formé par des milliers de cadavres sur les champs de bataille, et de la faiblesse de toute démocratie qui oublie qu'elle doit oeuvrer pour le bien commun et non pas alimenter uniquement son système politique, jeu de coups bas et de corruptions. Lucas rappelle également que l'esclavage n'est pas une notion perdue pour tout le monde. Le Mythe que Lucas détruit avec ce film est celui d'une Liberté immuable et invincible, et à de nombreux moments du film, la présence de THX1138, qui se bat lui aussi pour sa liberté, n'est pas loin.

Si l'emballage de " The Phantom Menace " est éblouissant, le gâteau qui y est caché laisse un goût amer. Cette amertume que l'on ressent à la fin du film tient tout autant au personnage qui nous inspire ce sentiment, qu'à George Lucas lui-même qui ose nous montrer ce que l'on n'attendait pas. En ce sens, Lucas fait véritablement oeuvre d'Auteur en se gardant bien de flatter uniquement nos egos de spectateurs blasés.

Chapeau bas, Monsieur Lucas.

Yabaar, le 17 septembre 1999.