Le mythe des lycanthropes

Le loup-garou (et ses variations comme la femme-panthère, l'homme-ours, le kitsune (renard-garou), le coyotero (coyote-garou), l'enfant-marsoin...ah non, pas celui-là) n'a jamais eu le même prestige auprès des amateurs de fantastique que le vampire. Pourquoi ? Question de style pour commencer. Qu'on en juge :
A ma gauche, le vampire aristocratique ou rockeur (bref le maître de céans ou le rebelle) possède un charme fou, un charisme irrésistible, une certaine classe. Il trône dans la nuit comme un sphinx incompris (pardon, Charles !).
Bref, les romans et le cinéma nous donne du vampire une image très coool ! Et pour peu qu'on y ajoute un peu de souffrance psychologico-philosophico-métaphysique (Lestat, Angel), il n'en est que plus attirant, puisque profond en plus d'être beau. N'est-ce pas mesdesmoiselles ?
Sans oublier le charme des femmes vampires (celles aux décolettés plongeants des films de la Hammer, Sélène dans Underworld). N'est-ce pas messieurs ?
A ma droite, le loup-garou, donc. Il est bestial, primitif, repoussant et il sent le poil de chien mouillé (du moins, on peut le supposer). Sa transformation physique est toujours très douloureuse (pauvre bête !) mais une fois celle-ci accomplie, il n'est pas du genre - contrairement au vampire - à s'étendre sur des considérations philosophiques. Bref, en plus d'être pas beau, il n'a pas de profondeur. Et à moins d'avoir une passion déraisonnable pour Demis Roussos (et consorts), les femmes ne le trouvent guère attirant.
Quand aux loups-garoutes (louves-garous ?), euh... j'ai bien lu une fois une petite annonce où un homme recherchait une femme très poilue mais ce doit être une exception (tous les goûts sont dans la nature).
Même Michelle Pfeiffer, à la fin de WOLF, ne s'est pas risquée à se montrer à poils (et, aussi étrange que cela paraisse, on ne s'en plaindra pas).
Bien sûr, il existe une alternative : la femme-panthère. La Féline est en général ravissante (Simone Simon dans Cat People de 1942, Nastassja Kinski dans le remake de 1982. On aurait pu tomber plus mal !). Elle est aussi mystérieuse, sombre, énigmatique, sensuelle, capricicieuse et un peu fatal.
Quand elle se transforme, elle a le bon goût d'avoir le poil soyeux et la dentition impeccable (même si elle a une haleine de coyote, du moins on peut le supposer). L'inconvénient étant qu'elle est aussi souvent agressive et même un peu mortelle.
Toujours est-il que le lycanthrope reste un mal aimé. Il sait pertinement qu'il n'aura jamais la prestance du vampire mais finalement il s'en fiche car lui, au moins, a l'avantage d'être toujours vivant !
De plus, il possède lui aussi une bibliographie et surtout une filmographie (on trouve plus de films qui lui sont consacrés que de romans), même si elle est loin d'être aussi longue que celle du vampire et d'aussi bonne qualité.
Car même la SDPG (La Société pour la Défense et la Promotion des Garous) elle-même doit l'avouer : les oeuvres lycanthropiques sont souvent médiocres. Si on prend comme exemple le cinéma, pour quelques rares films de qualité (Hurlements, Wolfen, Wolf, Le Loup-Garou de Londres, La compagnie des loups), ou regardables (Dog Soldiers, Underworld 1 et 2) combien de gros nanars en perspective ! (les suites de Hurlements, Le Loup-Garou de Paris, Peur Bleue, Cursed, ...Teen Wolf !) et encore j'évite de citer les pires (car il y a pire).
Autre problème plus fondamental : le mythe ne possède aucun chef-d'oeuvre fondateur (justement), contrairement au Dracula de Bram Stocker pour les vampires (encore eux !) même si le folklore dont il est issu est au moins aussi ancien que celui du vampirisme. Et il n'est pas vraiment aisé de trouver les textes littéraires les plus anciens le concernant (j'en sais quelque chose !)
Il semble que le "Dracula" lycanthropique soit encore à écrire mais il est peut-être trop tard.
Enfin, un problème plus "philosophique", dirons-nous : le loup-garou représente la part d'animalité et de sauvagerie qui sommeille en l'homme et que celui-ci a souvent du mal à accepter. D'où une certaine indifférence, voir du mépris et une approche du mythe souvent trop...primaire. Bref, voilà beaucoup de murs à franchir pour l'amateur de fantastique mais ne soyons pas pessimistes.
Du reste, si vous êtes trop déprimés, vous pouvez toujours jouer aux Loups-Garous de Thiercelieux.
Voici tout de même quelques oeuvres a voir abordé le genre (certains vont sans doute se dire : enfin, il rentre dans le vif du sujet, c'est pas trop tôt !).
Littérature
On trouve mention d'un premier cas de lycanthropie dans la mythologie grecque avec la légende de Lycaon, rapportée par Appolodore. Lycaon était un roi d'Arcadie qui avait cinquante fils (quelle santé !) et réputé pour son impiété. Un jour, Zeus se présenta à lui incognito sous l'apparence d'un pauvre paysan. Voulant tester la divinité, Lycaon lui fit servir des mets mélangés à de la chair humaine. Outragé, Zeus foudroya les fils du roi et transforma celui-ci en loup. Le mot lycanthropie est bien évidemment dérivé de Lycaon.
Une petite anthologie parue chez Librio, Gare aux garou ! (avec un titre pareil, comment voulez-vous les prendre aux sérieux, aussi !), rassemblent quelques textes anciens dans un ordre chronologique (le premier est indubitablement antique mais je ne souviens plus ni du titre ni de l'auteur). En tout cas, le livre ne coûte que 2 €.
Autre anthologie intéressante de textes plus récents : Le bal des loups-garous, mitonnée par Barbara Sadoul (chez Lunes d'Encre).
La plupart des nouvelles proposées restent assez classiques (on en trouve même une de ce bon vieux Seabury Quinn). Deux d'entre elles sortent du lot selon moi :
Opération Efrit de Poul Anderson est une nouvelle plutôt originale, entre fantastique et fantasy. Dans une guerre où la magie/la sorcellerie remplace les armes, un soldat-lycanthrope est chargé de s'introduire dans une cité ennemie pour éliminer un Efrit - autrement dit un démon - qui est leur allié. Pas follement subtile mais très divertissante avec son côté "Harry Potter chez les bidasses".
Le changement de Ramsey Campbell choisit l'angle réaliste et propose une variation étonnante du mythe, plus axée sur la psychologie que sur le spectaculaire. Un écrivain rédigeant un essai sur la survivance des instincts animaux dans l'homme voit son travail (et son mental) perturbé par une série de petites nuisances quotidiennes qui réveille en lui la bête.
Le premier roman que je mentionnerai est Plus noir que vous ne pensez (1948) de Jack Williamson. Je lui ai consacré un post sur le site d'Erwelyn : http://erwelyn-theyrani.grafbb.com/loup ... 8-t629.htm
Les loups-garous de Londres (Brian Stableford)
Egypte, 1872. Assiégé par des visions obsédantes de l'enfer, David délire. Au même moment, en Angleterre, Gabriel orphelin placé chez les les sœurs du manoir de Hudlestone, se découvre d'étranges pouvoirs. Un homme, un enfant... tous deux possédés, propulsés dans un univers peuplé de songes sataniques et d'anges déchus, où règne le sphinx et le démon-araigne... tandis qu'à Londres, les loups-garous veillent, sous les ordres de la superbe Mandorla. Elle fait enlever David et aide Gabriel à s'échapper de l'orphelinat, dans l'espoir d'utiliser leurs pouvoirs surnaturels pour détruire le monde.. Un féroce combat s'engage entre les forces de l'ombre et les lumières de la raison, entre superstition et scepticisme. Gabriel, devenu ange crucifié, sauvera-t-il l'humanité ?
Un roman dans la mouvance steampunk, située au XIXiè siècle. Lycanthropie, pratiques occultes, spiritisme, archéologie...Un roman foisonnant qui brasse une multitude de thèmes fantastiques (les loups-garous n'ont pas vraiment le rôle principal), de personnages et de lieux (dont l'Egypte). Assez grandiose. Il s'agit du premier tome d'une trilogie mais je ne connais pas les autres. A lire.
L'heure du loup (Robert McCammon) 1989
Roman d'aventure fantastiques et d'espionnage situé durant le Seconde Guerre Mondiale, entre Indiana Jones et James Bond, qui raconte les exploits d'un espion capable de se métamorphoser en loup-garou au moment le plus propice. Dans la grande tradition du feuilleton, un roman touffu bourré de péripéties où l'on ne s'ennuie pas une minute.
Nadya (Pat Murphy) 2000
Histoire d'une "louve-garou" au temps du vieil Ouest, fortement imprégné de féminisme (et d'homosexualité féminine !). Après que ses parents aient été tués par des chasseurs, Nadya traverse le pays, seule, vers la Californie. En chemin, elle rencontre Elisabeth, une jeune femme elle aussi endueillée et que le convoi dont elle faisait partie a abandonnée. Elles y vivront une série d'aventures et noueront une relation passionnelle...avant que le retour à la civilisation d'Elisabeth ne les sépare. Un angle d'approche intéressant du mythe mais on peut déplorer pas mal de longueurs.
L'homme à l'envers (Fred Vargas) 2003
Un polar assez farfelu, à l'humour très décalé, où plane l'ombre d'une nouvelle Bête de Gévaudan (simple loup ou loup-garou ?) dans le Mercantour. Des brebis sont égorgées, puis une jeune femme et la bête reste introuvable malgré les battues. Un groupe de personnes entame alors une longue route pour retrouver le présumé coupable, jusqu'à ce que le commissaire Adambserg - personnage fétiche de Vargas - s'en mêle et démontre que la "bête" n'est pas celle à laquelle on pense.
Comme on le voit, il ne s'agit pas ici pour la romancière d'écrire une vraie histoire de loup-garou mais plutôt de s'inspirer des légendes le concernant. C'est une sorte de "road novel" qui vaut surtout pour sa galerie de personnages pittoresques, qui s'amuse à jouer avec les stéréotypes et une ambiance de France profonde bien rendue. Un excellent moment de lecture.
(3 autres romans que je n'ai pas lu)
La meute hurlante (Serge Brussolo)
A en lire la quatrième de couverture, ça sent la série B nerveuse divertissante :
Une épidémie de Iycanthropie s'est abattue sur le monde et les loups-garous sont devenus indestructibles; à tel point qu'il sautent du haut des immeubles et arrachent les portières des voitures avec les dents. L'unique moyen de les supprimer ? Les tuer quand ils ont repris forme humaine. C'est le travail du ninja Ito Fuji, un exécuteur chargé de supprimer tous ceux qu'on soupçonne d'appartenir à la horde.
Mais les choses se compliquent lorsqu'il contracte à son tour l'affreuse maladie et devient ce qu'en langage codé on surnomme un NightHowler... Dès lors, une seule solution s'offre à lui : rejoindre un groupe de loups-garous retranchés dans une clinique clandestine, où l'on essaye désespérément de découvrir un vaccin miraculeux...
Les NightHowlers - monstres ou victimes possédés ou mutants - luttent pour leur survie dans la jungle urbaine où règnent sans partage les prédateurs du futur.
Garouage (Nancy A. Collins)
Un roman qui privilégie apparamment l'horreur et la violence, avec un soupçon d'écologie.
Morsure (Kelley Armstrong) 2007
Encore une histoire de "louve-garou". La critique que j'ai lue était franchement mauvaise. A vous de voir.
Enfin, on notera deux petites fantaisies, plus proche de la fable que de l'horreur :
Le Loup-garou (Boris Vian), une nouvelle en forme de parabole amusante qui inverse le thème : un loup tout ce qu'il y a de plus civilisé se métamorphose en homme et le moins qu'on puisse dire est qu'il ne gagne pas au change ! Original (il fallait y penser) et très critique envers le vrai barbare qui a pour nom : homme.
La femme changée en renard (David Garnett). Un homme se promène tranquillement dans les bois avec sa femme et celle-ci se change en renard(e). Une situation qui ne semble pas incommoder son mari (au contraire) et qui possède même ses avantages. Un petit bijou poétique et surréaliste mais qui charrie une certaine misogynie.
Bandes dessinées
Si le mythe est très moyennement développé en littérature, que dire du sort qui lui est réservé dans la BD ! On compte bien quelques dizaines d'albums où le loup-garou apparaît au détour d'une page parmi d'autres créatures du bestiaire fantastique mais très peu de bandes dessinées lui sont entièrement consacrées. Parmi elles, j'en citerai quatre, de style et de ton très différents.
Garous (Defali et Gaudin)
Une des très rares séries qui donnent le rôle principal aux lycanthropes. Bénéficiant de belles couvertures (qui ne sont pas signées Defali mais Civiello) avec lesquelles les planches ne peuvent hélas rivaliser, Garous ne déçoit pas l'amateur : malédiction ancestrale, atmosphère lugubre, hémoglobine et beaucoup d'action sont les ingrédients sans surprises certes mais plaisants d'un cycle de quatre albums d'une bonne tenue générale, malgré une baisse évidente d'intérêt dans le dernier. Sans vraiment renouveler le thème, Garous tire le meilleur parti possible de son matériau de base, forcément limité. Le tome 3, qui se déroule en huis-clos et peut se lire indépendamment des autres, est sans doute le plus réussi. Bref, rien de génial mais une série qui se laisse lire avec plaisir.
Chiquito la Muerte (Micol)
Radicalement différente de Garous tant dans la forme que dans le contenu, cette BD propose une vision pour le moins déjantée du mythe, transplanté dans l'univers du western et des légendes indiennes. Le dessin très particulier (volontairement laid et excessif) donne le ton d'une histoire qui ne manque pas d'audaces non plus. Si elle tourne complètement le dos au réalisme, elle n'en est pas humoristique pour autant. Inclassable est le mot.
Belles à croquer (Richard Corben)
Il s'agit d'un recueil d'histoires courtes du célèbre Richard Corben tournant évidemment toutes autour des loups-garous et faisant preuve d'un humour caustique qui ne manque pas de sel. Mais le procédé reste limité et peu excitant. J'ajoute que, personnellement, je n'accroche pas du tout au dessin de Corben et encore moins à sa mise en couleur. Mais bon, chacun ses goûts. Amusant mais anecdotique et, de ce fait, vite oublié.
Pauline et les loups-garous (Stéphane Oiry)
Paru assez récemment, ce one-shot est surtout proche du road-movie par l'histoire (la cavale d'un couple sur les routes) et du polar par l'ambiance (tendue et déprimante). On glisse alors dans le fantastique avec l'apparition de loups-garous se déplacant à moto. L'album semble hésiter entre deux genres, deux univers, ce qui aurait pu être intéressant si l'alchimie parvenait à se faire mais ce n'est jamais vraiment le cas.
A ma gauche, le vampire aristocratique ou rockeur (bref le maître de céans ou le rebelle) possède un charme fou, un charisme irrésistible, une certaine classe. Il trône dans la nuit comme un sphinx incompris (pardon, Charles !).
Bref, les romans et le cinéma nous donne du vampire une image très coool ! Et pour peu qu'on y ajoute un peu de souffrance psychologico-philosophico-métaphysique (Lestat, Angel), il n'en est que plus attirant, puisque profond en plus d'être beau. N'est-ce pas mesdesmoiselles ?
Sans oublier le charme des femmes vampires (celles aux décolettés plongeants des films de la Hammer, Sélène dans Underworld). N'est-ce pas messieurs ?
A ma droite, le loup-garou, donc. Il est bestial, primitif, repoussant et il sent le poil de chien mouillé (du moins, on peut le supposer). Sa transformation physique est toujours très douloureuse (pauvre bête !) mais une fois celle-ci accomplie, il n'est pas du genre - contrairement au vampire - à s'étendre sur des considérations philosophiques. Bref, en plus d'être pas beau, il n'a pas de profondeur. Et à moins d'avoir une passion déraisonnable pour Demis Roussos (et consorts), les femmes ne le trouvent guère attirant.
Quand aux loups-garoutes (louves-garous ?), euh... j'ai bien lu une fois une petite annonce où un homme recherchait une femme très poilue mais ce doit être une exception (tous les goûts sont dans la nature).
Même Michelle Pfeiffer, à la fin de WOLF, ne s'est pas risquée à se montrer à poils (et, aussi étrange que cela paraisse, on ne s'en plaindra pas).
Bien sûr, il existe une alternative : la femme-panthère. La Féline est en général ravissante (Simone Simon dans Cat People de 1942, Nastassja Kinski dans le remake de 1982. On aurait pu tomber plus mal !). Elle est aussi mystérieuse, sombre, énigmatique, sensuelle, capricicieuse et un peu fatal.
Quand elle se transforme, elle a le bon goût d'avoir le poil soyeux et la dentition impeccable (même si elle a une haleine de coyote, du moins on peut le supposer). L'inconvénient étant qu'elle est aussi souvent agressive et même un peu mortelle.
Toujours est-il que le lycanthrope reste un mal aimé. Il sait pertinement qu'il n'aura jamais la prestance du vampire mais finalement il s'en fiche car lui, au moins, a l'avantage d'être toujours vivant !
De plus, il possède lui aussi une bibliographie et surtout une filmographie (on trouve plus de films qui lui sont consacrés que de romans), même si elle est loin d'être aussi longue que celle du vampire et d'aussi bonne qualité.
Car même la SDPG (La Société pour la Défense et la Promotion des Garous) elle-même doit l'avouer : les oeuvres lycanthropiques sont souvent médiocres. Si on prend comme exemple le cinéma, pour quelques rares films de qualité (Hurlements, Wolfen, Wolf, Le Loup-Garou de Londres, La compagnie des loups), ou regardables (Dog Soldiers, Underworld 1 et 2) combien de gros nanars en perspective ! (les suites de Hurlements, Le Loup-Garou de Paris, Peur Bleue, Cursed, ...Teen Wolf !) et encore j'évite de citer les pires (car il y a pire).
Autre problème plus fondamental : le mythe ne possède aucun chef-d'oeuvre fondateur (justement), contrairement au Dracula de Bram Stocker pour les vampires (encore eux !) même si le folklore dont il est issu est au moins aussi ancien que celui du vampirisme. Et il n'est pas vraiment aisé de trouver les textes littéraires les plus anciens le concernant (j'en sais quelque chose !)
Il semble que le "Dracula" lycanthropique soit encore à écrire mais il est peut-être trop tard.
Enfin, un problème plus "philosophique", dirons-nous : le loup-garou représente la part d'animalité et de sauvagerie qui sommeille en l'homme et que celui-ci a souvent du mal à accepter. D'où une certaine indifférence, voir du mépris et une approche du mythe souvent trop...primaire. Bref, voilà beaucoup de murs à franchir pour l'amateur de fantastique mais ne soyons pas pessimistes.
Du reste, si vous êtes trop déprimés, vous pouvez toujours jouer aux Loups-Garous de Thiercelieux.
Voici tout de même quelques oeuvres a voir abordé le genre (certains vont sans doute se dire : enfin, il rentre dans le vif du sujet, c'est pas trop tôt !).
Littérature
On trouve mention d'un premier cas de lycanthropie dans la mythologie grecque avec la légende de Lycaon, rapportée par Appolodore. Lycaon était un roi d'Arcadie qui avait cinquante fils (quelle santé !) et réputé pour son impiété. Un jour, Zeus se présenta à lui incognito sous l'apparence d'un pauvre paysan. Voulant tester la divinité, Lycaon lui fit servir des mets mélangés à de la chair humaine. Outragé, Zeus foudroya les fils du roi et transforma celui-ci en loup. Le mot lycanthropie est bien évidemment dérivé de Lycaon.
Une petite anthologie parue chez Librio, Gare aux garou ! (avec un titre pareil, comment voulez-vous les prendre aux sérieux, aussi !), rassemblent quelques textes anciens dans un ordre chronologique (le premier est indubitablement antique mais je ne souviens plus ni du titre ni de l'auteur). En tout cas, le livre ne coûte que 2 €.
Autre anthologie intéressante de textes plus récents : Le bal des loups-garous, mitonnée par Barbara Sadoul (chez Lunes d'Encre).
La plupart des nouvelles proposées restent assez classiques (on en trouve même une de ce bon vieux Seabury Quinn). Deux d'entre elles sortent du lot selon moi :
Opération Efrit de Poul Anderson est une nouvelle plutôt originale, entre fantastique et fantasy. Dans une guerre où la magie/la sorcellerie remplace les armes, un soldat-lycanthrope est chargé de s'introduire dans une cité ennemie pour éliminer un Efrit - autrement dit un démon - qui est leur allié. Pas follement subtile mais très divertissante avec son côté "Harry Potter chez les bidasses".
Le changement de Ramsey Campbell choisit l'angle réaliste et propose une variation étonnante du mythe, plus axée sur la psychologie que sur le spectaculaire. Un écrivain rédigeant un essai sur la survivance des instincts animaux dans l'homme voit son travail (et son mental) perturbé par une série de petites nuisances quotidiennes qui réveille en lui la bête.
Le premier roman que je mentionnerai est Plus noir que vous ne pensez (1948) de Jack Williamson. Je lui ai consacré un post sur le site d'Erwelyn : http://erwelyn-theyrani.grafbb.com/loup ... 8-t629.htm
Les loups-garous de Londres (Brian Stableford)
Egypte, 1872. Assiégé par des visions obsédantes de l'enfer, David délire. Au même moment, en Angleterre, Gabriel orphelin placé chez les les sœurs du manoir de Hudlestone, se découvre d'étranges pouvoirs. Un homme, un enfant... tous deux possédés, propulsés dans un univers peuplé de songes sataniques et d'anges déchus, où règne le sphinx et le démon-araigne... tandis qu'à Londres, les loups-garous veillent, sous les ordres de la superbe Mandorla. Elle fait enlever David et aide Gabriel à s'échapper de l'orphelinat, dans l'espoir d'utiliser leurs pouvoirs surnaturels pour détruire le monde.. Un féroce combat s'engage entre les forces de l'ombre et les lumières de la raison, entre superstition et scepticisme. Gabriel, devenu ange crucifié, sauvera-t-il l'humanité ?
Un roman dans la mouvance steampunk, située au XIXiè siècle. Lycanthropie, pratiques occultes, spiritisme, archéologie...Un roman foisonnant qui brasse une multitude de thèmes fantastiques (les loups-garous n'ont pas vraiment le rôle principal), de personnages et de lieux (dont l'Egypte). Assez grandiose. Il s'agit du premier tome d'une trilogie mais je ne connais pas les autres. A lire.
L'heure du loup (Robert McCammon) 1989
Roman d'aventure fantastiques et d'espionnage situé durant le Seconde Guerre Mondiale, entre Indiana Jones et James Bond, qui raconte les exploits d'un espion capable de se métamorphoser en loup-garou au moment le plus propice. Dans la grande tradition du feuilleton, un roman touffu bourré de péripéties où l'on ne s'ennuie pas une minute.
Nadya (Pat Murphy) 2000
Histoire d'une "louve-garou" au temps du vieil Ouest, fortement imprégné de féminisme (et d'homosexualité féminine !). Après que ses parents aient été tués par des chasseurs, Nadya traverse le pays, seule, vers la Californie. En chemin, elle rencontre Elisabeth, une jeune femme elle aussi endueillée et que le convoi dont elle faisait partie a abandonnée. Elles y vivront une série d'aventures et noueront une relation passionnelle...avant que le retour à la civilisation d'Elisabeth ne les sépare. Un angle d'approche intéressant du mythe mais on peut déplorer pas mal de longueurs.
L'homme à l'envers (Fred Vargas) 2003
Un polar assez farfelu, à l'humour très décalé, où plane l'ombre d'une nouvelle Bête de Gévaudan (simple loup ou loup-garou ?) dans le Mercantour. Des brebis sont égorgées, puis une jeune femme et la bête reste introuvable malgré les battues. Un groupe de personnes entame alors une longue route pour retrouver le présumé coupable, jusqu'à ce que le commissaire Adambserg - personnage fétiche de Vargas - s'en mêle et démontre que la "bête" n'est pas celle à laquelle on pense.
Comme on le voit, il ne s'agit pas ici pour la romancière d'écrire une vraie histoire de loup-garou mais plutôt de s'inspirer des légendes le concernant. C'est une sorte de "road novel" qui vaut surtout pour sa galerie de personnages pittoresques, qui s'amuse à jouer avec les stéréotypes et une ambiance de France profonde bien rendue. Un excellent moment de lecture.
(3 autres romans que je n'ai pas lu)
La meute hurlante (Serge Brussolo)
A en lire la quatrième de couverture, ça sent la série B nerveuse divertissante :
Une épidémie de Iycanthropie s'est abattue sur le monde et les loups-garous sont devenus indestructibles; à tel point qu'il sautent du haut des immeubles et arrachent les portières des voitures avec les dents. L'unique moyen de les supprimer ? Les tuer quand ils ont repris forme humaine. C'est le travail du ninja Ito Fuji, un exécuteur chargé de supprimer tous ceux qu'on soupçonne d'appartenir à la horde.
Mais les choses se compliquent lorsqu'il contracte à son tour l'affreuse maladie et devient ce qu'en langage codé on surnomme un NightHowler... Dès lors, une seule solution s'offre à lui : rejoindre un groupe de loups-garous retranchés dans une clinique clandestine, où l'on essaye désespérément de découvrir un vaccin miraculeux...
Les NightHowlers - monstres ou victimes possédés ou mutants - luttent pour leur survie dans la jungle urbaine où règnent sans partage les prédateurs du futur.
Garouage (Nancy A. Collins)
Un roman qui privilégie apparamment l'horreur et la violence, avec un soupçon d'écologie.
Morsure (Kelley Armstrong) 2007
Encore une histoire de "louve-garou". La critique que j'ai lue était franchement mauvaise. A vous de voir.
Enfin, on notera deux petites fantaisies, plus proche de la fable que de l'horreur :
Le Loup-garou (Boris Vian), une nouvelle en forme de parabole amusante qui inverse le thème : un loup tout ce qu'il y a de plus civilisé se métamorphose en homme et le moins qu'on puisse dire est qu'il ne gagne pas au change ! Original (il fallait y penser) et très critique envers le vrai barbare qui a pour nom : homme.
La femme changée en renard (David Garnett). Un homme se promène tranquillement dans les bois avec sa femme et celle-ci se change en renard(e). Une situation qui ne semble pas incommoder son mari (au contraire) et qui possède même ses avantages. Un petit bijou poétique et surréaliste mais qui charrie une certaine misogynie.
Bandes dessinées
Si le mythe est très moyennement développé en littérature, que dire du sort qui lui est réservé dans la BD ! On compte bien quelques dizaines d'albums où le loup-garou apparaît au détour d'une page parmi d'autres créatures du bestiaire fantastique mais très peu de bandes dessinées lui sont entièrement consacrées. Parmi elles, j'en citerai quatre, de style et de ton très différents.
Garous (Defali et Gaudin)
Une des très rares séries qui donnent le rôle principal aux lycanthropes. Bénéficiant de belles couvertures (qui ne sont pas signées Defali mais Civiello) avec lesquelles les planches ne peuvent hélas rivaliser, Garous ne déçoit pas l'amateur : malédiction ancestrale, atmosphère lugubre, hémoglobine et beaucoup d'action sont les ingrédients sans surprises certes mais plaisants d'un cycle de quatre albums d'une bonne tenue générale, malgré une baisse évidente d'intérêt dans le dernier. Sans vraiment renouveler le thème, Garous tire le meilleur parti possible de son matériau de base, forcément limité. Le tome 3, qui se déroule en huis-clos et peut se lire indépendamment des autres, est sans doute le plus réussi. Bref, rien de génial mais une série qui se laisse lire avec plaisir.
Chiquito la Muerte (Micol)
Radicalement différente de Garous tant dans la forme que dans le contenu, cette BD propose une vision pour le moins déjantée du mythe, transplanté dans l'univers du western et des légendes indiennes. Le dessin très particulier (volontairement laid et excessif) donne le ton d'une histoire qui ne manque pas d'audaces non plus. Si elle tourne complètement le dos au réalisme, elle n'en est pas humoristique pour autant. Inclassable est le mot.
Belles à croquer (Richard Corben)
Il s'agit d'un recueil d'histoires courtes du célèbre Richard Corben tournant évidemment toutes autour des loups-garous et faisant preuve d'un humour caustique qui ne manque pas de sel. Mais le procédé reste limité et peu excitant. J'ajoute que, personnellement, je n'accroche pas du tout au dessin de Corben et encore moins à sa mise en couleur. Mais bon, chacun ses goûts. Amusant mais anecdotique et, de ce fait, vite oublié.
Pauline et les loups-garous (Stéphane Oiry)
Paru assez récemment, ce one-shot est surtout proche du road-movie par l'histoire (la cavale d'un couple sur les routes) et du polar par l'ambiance (tendue et déprimante). On glisse alors dans le fantastique avec l'apparition de loups-garous se déplacant à moto. L'album semble hésiter entre deux genres, deux univers, ce qui aurait pu être intéressant si l'alchimie parvenait à se faire mais ce n'est jamais vraiment le cas.