Alain Dorémieux (1933-1998) par Cryptide

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Alain Dorémieux (1933-1998) par Cryptide

Messagepar erwelyn » Jeudi 23 Février 2012, 08h50

Son œuvre est uniquement composée de nouvelles (si on excepte un roman tardif, "Black velvet", d'un intérêt plutôt anecdotique) regroupées en tout et pour tout en quatre recueils - et un Livre d'or qui reprend les meilleures d'entre elles (c'est avec lui que je l'ai découvert). Une petite poignée, certes, mais toutes de qualité et décrivant un univers bien singulier qui n'appartient qu'à l'auteur. Souvent difficiles à classer, tantôt tournées vers la SF, tantôt vers le fantastique, ces nouvelles ont surtout comme dénominateur commun une série d'obsessions très personnelles que Dorémieux ne cessent de remettre en scène. Fantasmatiques serait sans doute le mot adéquat pour les définir. Ces thèmes ? La femme-piège, pour commencer, la femme mante-religieuse ou araignée, à la fois attirante et monstrueuse, dans la toile de laquelle le personnage masculin ne cesse de s'entortiller avec autant de délice que de répulsion. La hantise d'absorption, l'aliénation consécutive à l'illusion et au désir. Inutile de dire que Dorémieux serait le sujet rêvé pour un psychanalyste :)
Avec Richard Matheson - autre écrivain à s'être distingué dans les textes courts et hanté par ses propres obsessions cauchemardesques - Alain Dorémieux est un de mes nouvellistes préférés, par l'originalité qu'il a apportée au fantastique et à la SF en évitant les thèmes classiques pour trouver une voie différente, très personnelle.

Quelques exemples :

Dans Aurora, une de ses nouvelles les plus significatives, un jeune homme est fasciné par une femme séduisante dont il finit par découvrir, trop tard pour lui, que celle-ci possède "un système digestif analogue à celui d'une plante carnivore" et dévore littéralement ses amants.
Quand elle n'est pas créature sortie d'un bestiaire fantastique, la femme "à la sauce Dorémieux" peut-être aussi l'image même de l'illusion, qui ne dévore pas tant le corps de l'homme que son esprit, son âme.
Ainsi dans La femme modèle, un homme, amoureux d'une femme snob et inaccessible, demande à un technicien de lui fabriquer une copie exacte, un androïde à la parfaite ressemblance de l'original qu'il ne peut avoir. Ceci obtenu, cette copie parfaite jusque dans ses moindres détails (et programmée pour l'aimer) deviendra vite pour l'homme un motif de frustration plutôt que de satisfaction. Car ce qu'il aimait chez l'original, n'étais-ce pas justement son inaccessibilité ?
Seuls toi et moi, mon amour raconte l'obsession d'un homme pour un mannequin féminin comme on en trouve en vitrine des grands magasins. Il finit par briser une vitrine et par emporter le mannequin chez lui. Commence alors pour lui un délire où le mannequin semble chaque jour prendre de plus en plus de vie - et d'emprise - sur lui.
Dans La Vana, sa première nouvelle publiée et la plus célèbre, Slovic se commande par correspondance une compagne d'origine extraterrestre, une Vana, créature tenant autant de l'animal que de la femme. Une passion charnelle avec la créature l'entraîne dans un quotidien fait de solitude et d'aliénation, jusqu'à l'anéantissement final.
Enfin, dans L'objet de l'amour, Dorémieux va encore plus loin, le personnage se livrant ni plus ni moins à la nécrophilie.
Dans tous les cas, l'homme se fait toujours vampiriser par les multiples facettes de la figure féminine, qu'elle soit de végétale, androïde, extra-terrestre, mannequin de plastique ou cadavre.

Quand la femme n'apparaît pas dans une nouvelle, on retrouve malgré tout le thème du vampirisme. Dans Fugue, un enfant en visite dans un zoo rassemblant toutes sortes de créatures extra-terrestre voit l'une de ses créatures se fixer à lui et prendre le contrôle de sa volonté. Le but de la petite créature : se rendre à l'astroport pour monter dans un vaisseau et regagner son monde.
Dans L'autre, un homme voit un être en tout point semblable à lui s'extirper littéralement de son propre corps et finir par le remplacer.

Autant de variations sur l'obsession d'Alain Dorémieux pour la dissolution et son rapport à L'Autre.
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